AVANT DE LIRE CET ARTICLE, n’hésitez pas à retourner sur l’article sur San Francisco ! J’avais oublié de mentionner l’étonnant Intimacy – cuddling workshop auquel j’ai eu la chance d’assister là-bas… (!)
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Dur réveil à 5h30 du matin, derniers rangements de bagages, dernières frayeurs (OU SONT LES CLEFS DE LA BAGNOLE?!!!!!), on est partis. Prochaine et dernière destination avant notre retour, Las Vegas, Nevada.
(Ci-dessus : arrêt petit-déj sur la route, au milieu de nulle part… Population typique)
La route directe étant coupée en hiver, nous avons du faire un grand détour par le sud. D’autre part, au lieu des six heures de routes annoncées par Mappy, nous restons en réalité TREIZE HEURES dans la voiture (pauses comprises). On décolle à 7h15, avec deux heures de retard, inutile de vous décrire mon humeur. Surtout que la route nous avait été vantée comme la plus inintéressante du monde – l’idée de passer ma journée sur une route à tuer un clown était pas ultra-fun. Pourtant, peu à peu, j’ai été forcée de donner tort à tous ces américains qui ne savent rien admirer. Le voyage de San Francisco à Las Vegas a été une des plus belles des routes que j’ai faites pendant ce trip. C’est 80% de désert, mais un désert désespérément cinématique, désespérément Wendersien, le genre de paysages que j’attends depuis qu’on m’a annoncé que je me cassais au pays des hamburgers. Les routes droites, à perte de vue, le vide à gauche, le vide à droite. Puis les montagnes, rouges, les arbres secs et la caillasse, au loin les montagnes où se côtoient l’ocre originel et les sommets enneigés – Paris, Texas. Le soleil brûlant sur la tôle de la voiture, balayant du ciel tout nuage, à perte de vue pas une ombre, pas une âme. Que des camions et des vaches, de temps en temps. Les pubs toutes les demi-heures pour des fast-food / motels cradingues – Bagdad café. La nuit tombe.
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On tombe en chemin sur un resto paumé en plein milieu du désert – Peggy Sue’s 50s restaurant / dinosaur restaurant. Un drôle de concept qui allie statues de dinosaures à l’extérieur et ambiance fifties à l’intérieur, avec serveuses en petites robes – tabliers à dentelles et Marylins à tous les coins. Vous voyez pas le rapport, moi non plus, c’est pas grave. On ne commande rien mais la simple visite vaut le détour, tant pour le décor que pour les clients avinés.
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Peu à peu des lumières scintillent au loin, puis se rapprochent, Nevada nous voici. Les premières couleurs de Las Vegas sont ce qu’elles m’étaient promises : un Time Square à taille cityesque, le festival du too much, la Tour Eiffel qui côtoie le Sphinx et l’épée géante Excalibur.
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Il fait très chaud le jour (relativement à la saison), très froid la nuit. Nous profitons une fois de plus des points hôtel du père de Khari pour nous offrir deux nuits hors de Couchsurfing. Nos jambes n’en pouvant plus de rester immobiles, on part à la recherche dudit hôtel. S’orienter à Vegas est un désastre sans nom, et on ne trouve l’endroit qu’après avoir tourné pendant une demi-heure. On est tous les deux claqués, affamés et très irritables. On marche une autre demi-heure à travers un centre commercial de luxe où se côtoient minettes en talons et vieilles poules surmaquillées, et au moment où ma patience est prête à rendre l’âme, on arrive enfin. Passées les formalités, et l’erreur d’ascenseur (l’un sert jusqu’aux trente premiers étages, l’autre les trente-cinq derniers, du délire), on atteint enfin la porte de la chambre.
Ce n’est pas une chambre. C’est un appart ultra-moderne. En plus d’une chambre à un lit qui pourrait contenir une famille d’obèses, on a à disposition un living-room avec rétroprojecteur de cinq mètres sur trois, une cuisine américaine avec poêles, casseroles, couverts, machine à café et café, mixeur, récipients, carafe, verres, bols, tasses, assiettes et j’en passe, une immense salle de bain qui au lieu de baignoire, contient un JACUZZI. Inutile de préciser qu’en plus de l’écran géant qui se déploie à volonté sur la baie vitrée offrant la vue sur la ville – master TV étant le maître des américains – chaque pièce est équipée d’un écran plat supplémentaire, toilettes comprises (fun fact, elles sont également équipées du téléphone).
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L’hôtel est situé dans une espèce de grand centre commercial dont les magasins sont transformés en châteaux exotiques de pacotille, le plafond est un faux ciel parsemé de nuages, les serveurs des restaurants à thèmes sont tous déguisés. Tous les soirs se jouent des spectacles dans les nombreuses salles du complexe. On n’y dort jamais. Même les touristes sont en représentation, les demoiselles botoxées, peintes, encorcetées, juchées sur des talons de la moitié de leur taille, ne me surprennent même plus tant leur nombre est élevé. J’ai croisé des gens normaux, oui, oui, ils sont juste un peu la minorité visible et du coup, attirent le regard.
Lundi soir on rencontre la tante de Khari qui nous emmène voir un « variety show », l’attraction ultra-populaire du mini centre-ville. C’est une présentation de petits numéros de cirque de très bonne qualité, et je m’émerveille à nouveau des clowns, jongleurs et magiciens. Le dernier numéro du show est plus que prometteur : deux acrobates en patins à roulettes sur un trampoline, un jeu très beau, très beau, très dangereux. La danseuse tourne vite, vite, de plus en plus vite dans les bras de son cavalier dont le corps se perd dans la mousseline du tutu, tourne haut, puis bas, sa tête virevolte sa tête heurte le bord du trampoline son corps s’écrase, rebondit une fois et s’affale, et le public pousse un soupir de stupeur et les acrobates sortent de scène en tombant à nouveau et les deux filets de rouge sur le bord blanc du trampoline et dans l’oreille de la jeune fille inconsciente – Ladies and gentlemen, le spectacle est fini.
Première fois de ma vie que je vois un acrobate se fracasser le crâne. Le public est resté muet de stupeur pendant quelques minutes, mais bien vite, tout est rentré dans l’ordre et les gens sortent tout contents du bon spectacle dont ils se sont régalés.
Le jour d’après on s’attarde à découvrir le Vegas dont Wanda nous avait parlé. Las Vegas, c’est un grand boulevard, autour duquel le paysage immobile et aride semble entourer la ville d’une prison de vide. En remontant la rue principale tu serpentes dans l’ultra-clinquant, le fourmillement des talons hauts et des cigares, le festival du factice, et au bout de tout ça – le rien, les montagnes, rouges, le sable et les arbres morts. De chaque côté du boulevard, les hôtels de luxe s’alignent les uns à la suite des autres, reliés par le train mythique qui s’arrête à chaque porte (5 dollars l’aller). Chaque hôtel est porteur d’un thème. Circus Circus, New-York New-York, Excalibur, Louxor, MGM, Bellagio, tous arborent leurs couleurs à l’intérieur et à l’extérieur. Circuler parmi eux est comme visiter un parc d’attractions géant.
A l’intérieur de chaque bâtiment, bien sûr, les casinos sont les maîtres. Ils agressent le regard par le trop-plein de sollicitations visuelles ; les lumières clignotent sans arrêt et la musique de boîte de nuit jouée à pleins tubes toute la nuit prend les oreilles en otage. Les joueurs se partagent entre les tables de jeu à visage humain et les machines, aux bruits trop forts et aux couleurs trop vives. Certaines d’entre elles ressemblent à des grosses game-boy pour adultes, même les jeux reprennent les Disney / Harry Potter / n’importe quel machin d’animation. Ça s’excite, ça miaule, ça boit, ça fume, fume, fume (tabac autorisé dans les casinos). Les profils des plus accros sont marqués profondément et certains d’entre eux ont perdu les traits de la raison. Certains sont là depuis 8, 9h du matin, et resteront jusqu’à la fermeture, le cul vissé sur les tabourets de cuir et le doigt roulant sur les touches des machines. Chaque hôtel a sa propre attraction gratuite. Le dernier soir, on assiste à un spectacle de cirque à Circus Circus, mais on prend aussi le temps d’admirer la danse de l’immense fontaine du Bellagio (qui vaut vraiment le coup d’oeil) et la démonstration des pirates de Treasure Island. On n’oublie pas bien sûr d’admirer la fausse tour Eiffel construite au-dessus d’un restaurant de « fruits de mer et petits pains ». Les hôtels comprennent aussi tous, plus ou moins, de grand centres commerciaux de luxe. L’occasion d’admirer les dernières vitrines de Chanel et Gucci.
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Ci-dessus, la danse des fontaines du Bellagio.
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Ci-dessous, les photos de l’hôtel New-York New-York, de l’extérieur…
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…Et de l’intérieur !
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Ci-dessous, l’hôtel Excalibur.
Ci-dessous, l’hôtel Louxor.
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Le 17 au matin, après avoir fait le tour des derniers hôtels, on prend une dernière fois la route pour retrouver Los Angeles, où notre avion de retour décollera le matin suivant. A nouveau, la route serpente parmi les montagnes rouges et le ciel bleu étincelant. Vers midi, on s’octroie une pause. Le soleil tape sur la tôle de la voiture et un grand vent souffle au dehors. L’endroit est misérable. Une station service miteuse, un vendeur de bouffe et un terrible fast food grec, où Khari commande un milk shake pour se défaire de la chaleur, font office de centre-ville. Un peu plus loin, un quartier de mobile-homes garés sur le sol sableux. Une fois de plus, je suis dans un film. Même les tronches des gens sont signés Wim Wenders.
Voilà.
La fin du périple. Ce sera ensuite la dernière nuit à LA, les six heures d’avion, l’arrivée dans l’hiver glacial de Boston.
Et le retour à Wesleyan.
La suite au prochain numéro.